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L’informatique quantique et l’IA en marche vers la cryptocalypse

  • Hadil CHAOUALI
  • 17 juil.
  • 3 min de lecture

L’informatique quantique fait beaucoup parler d’elle, mais elle reste encore, pour beaucoup, une notion abstraite. Pourtant, une réalité s’impose : les ordinateurs quantiques remettront en cause la cryptographie sur laquelle repose la sécurité de notre monde numérique.


Des algorithmes réputés inviolables aujourd’hui, tels que RSA, ECC, ou même AES, pourraient devenir obsolètes demain. Un ordinateur quantique capable de résoudre en quelques minutes des calculs qui prendraient des milliers d’années à un ordinateur classique annonce une révolution silencieuse.


Dans ce contexte, une question essentielle s’impose : sommes-nous prêts à affronter l’impact du quantique sur la sécurité numérique ?

 

Au-delà du binaire : L’ère quantique


L’informatique quantique est un domaine multidisciplinaire à la croisée de la physique, des mathématiques et de l’informatique. Bien qu’encore en phase de développement, elle est porteuse d’une promesse puissante : celle de résoudre, dans un futur proche, des problèmes d’une complexité inatteignable pour les ordi- nateurs classiques, et cela en un temps considérablement réduit.


L’idée remonte aux années 1980, lorsque les chercheurs Richard Feynman et Yuri Manin ont formulé une intuition révolutionnaire : pour simuler un système quan- tique, il faudrait utiliser un ordinateur fondé lui-même sur des lois quantiques. C’est ainsi qu’est née l’informatique quantique.


À la base de cette technologie se trouvent les ordinateurs quantiques. Con- trairement aux ordinateurs classiques, qui traitent l’information à l’aide de bits (0 ou 1), ils utilisent des qubits capables d’être dans l’état 0, 1 ou dans une superposition des deux en même temps.


Le cœur de l’ordinateur quantique est le processeur quantique (QPU). Ce processeur est souvent intégré dans une puce refroidie à des températures proches du zéro ab-solu. Sur cette puce, les qubits physiques, interconnectés entre eux, sont manipulés à l’aide d’impulsions électromagnétiques (micro-ondes ou lasers).


Le calcul se fait en appliquant des portes quantiques à ces qubits, ce qui modifie leurs états de manière contrôlée.


La véritable puissance du calcul quantique repose sur trois principes fondamen- taux: la superposition qui permet à un qubit d’exister dans plusieurs états à la fois, augmentant considérablement les possibilités de calcul, l’intrication qui permet la corrélation des qubits de façon telle que l’état de l’un influe instantanément sur l’autre, et l’interférence qui amplifie les trajectoires menant aux bonnes réponses tout en annulant celles menant aux résultats erronés, orientant ainsi les calculs vers les solutions les plus probables.


Ces principes confèrent aux ordinateurs quantiques une puissance de calcul expo- nentielle, très différente de l’approche séquentielle des machines classiques. Ils permettent de tester simultanément un grand nombre de solutions, là où un ordi- nateur traditionnel les explore une à une. Sans remplacer les systèmes actuels, ils ouvrent la voie à une rupture majeure dans les domaines à forte complexité mathématique, comme la cryptographie.

 

Alliance quantique-IA: Cryptographie en danger


La cryptographie est l’art de protéger l’information en la rendant inaccessible pour toute personne non autorisée. Elle repose sur l’utilisation de deux grandes familles d’algorithmes : les algorithmes asymétriques, comme RSA et ECC et les algorithmes symétriques, comme AES. Leur solidité repose sur des problèmes mathématiques réputés extrêmement difficiles à résoudre, comme la factorisation de grands entiers, le logarithme discret, ou des transformations irréversibles.


En 1994, le mathématicien Peter Shor a démontré qu’un ordinateur quantique suffisamment puissant pourrait exécuter un algorithme capable de factoriser des entiers exponentiellement plus vite que les méthodes classiques. Cela signifie, concrètement, que les algorithmes à clé publique comme RSA et ECC pourraient être brisés en un temps raisonnable.


L’intelligence artificielle, quant à elle, joue un rôle d’accélérateur : elle peut optimiser les paramètres des algorithmes quantiques, réduire les erreurs dans les calculs quantiques, et améliorer l’efficacité des attaques cryptographiques via des modèles d’apprentissage avancés. Elle permet aussi d’automatiser la recherche de failles ou d’anomalies dans des systèmes cryptographiques complexes.


Ainsi, la combinaison du traitement massif des données par l’IA et de la puissance brute du quantique pourrait rendre obsolètes les protections actuelles bien plus rapidement qu’anticipé. Ce duo technologique transforme la cryptanalyse en une discipline prédictive, automatisée et non linéaire capable de compromettre des clés de chiffrement aujourd’hui considérées comme robustes.


Le Post-quantique se prépare maintenant


L’évolution quantique n’est plus théorique. Des chercheurs chinois ont démontré qu’un ordinateur quantique de 56 qubits avait accompli en 1,2 heure un calcul qui prendrait 8 ans au supercalculateur le plus puissant du monde. Selon les prévisions de McKinsey, plus de 5000 ordinateurs quantiques pourraient être opérationnels d’ici 2030. Face à cette avancée, il devient urgent de repenser nos mécanismes de sécurité.


Pour faire face à ce risque, il est impératif d’anticiper une transition vers la cryptographie post-quantique (PQC, Post Quantum Cryptography) qui repose sur de nouveaux algorithmes conçus pour résister aux attaques des ordinateurs quantiques.


Contrairement aux solutions actuelles, basées sur des problèmes mathématiques vulnérables à la puissance du quantique, la PQC repose sur des structures réputées incassables, même avec ces futures machines.


Depuis 2016, le NIST (National Institute of Standards and Technology) pilote un processus de standardisation des algorithmes post-quantiques. En 2022, il a sélectionné plusieurs candidats prometteurs, dont ML-KEM, ML-DSA, SLH-DSA et Falcon, couvrant à la fois les besoins en chiffrement et en signature numérique.


En parallèle, l’ANSSI recommande une approche progressive fondée sur l’hybridation, c’est-à-dire l’association des méthodes cryptographiques classiques éprouvées avec des algorithmes post-quantiques encore en phase de maturation. Cette double couche de sécurité permet de se prémunir contre les attaques futures tout en assurant la compatibilité avec les systèmes existants.


L’agence appelle également les secteurs critiques à définir une feuille de route claire: identifier les actifs sensibles, auditer les dépendances cryptographiques actuelles et concevoir des architectures capables d’évoluer sans rupture de sécurité.

 

Cette transition ne sera ni rapide ni simple, mais elle est inévitable. Comme pour toute rupture technologique, ceux qui anticipent auront un avantage décisif. Dans un monde où l’on chiffre aujourd’hui ce que d’autres pourraient déchiffrer demain, mieux vaut sécuriser trop tôt que trop tard.

 

Conclusion


Malgré des signaux de plus en plus clairs, la menace quantique reste largement sous-estimée. Faute de moyens, de stratégie ou de sensibilisation, beaucoup d’organisations tardent à se préparer. Pourtant, l’anticipation n’est plus une option mais une nécessité stratégique. 


Agir maintenant, c’est garantir la résilience de demain.

 
 
 

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